





À UN ENDROIT DU DÉBUT
Mise en scène Mikaël Serre
Chorégraphie Germaine Acogny
Dates
Le 27 novembre 2020
MUSEO EN DANZA - MUSEO UNIVERSIDAD DE NAVARRA PAMPLONA SPAIN
Le 4 décembre 2020 à 21H
et 5 décembre 2020 à 15H
LIVE STREAMING
THÉÂTRE DE LA VILLE PARIS
Le 2 juin 2021
BIENNALE DE LA DANSE LYON
Juillet 21
BIENNALE DE LA DANSE DE VENISE
Mise en scène MIKAËL SERRE
Chorégraphie GERMAINE ACOGNY
Assistant Chorégraphie PATRICK ACOGNY
Scénographie MACIEJ FISZER
Costumes JOHANNA DIAKHATE-RITTMEYER
Musique FABRICE BOUILLON “LA FORET”
Vidéo SEBASTIEN DUPOUEY
Lumières SEBASTIEN MICHAUD
Direction technique MARCO WEHRSPANN
Textes TOGOUN SERVAIS ACOGNY, LES RECITS D’ALOOPHO, GERMAINE ACOGNY, MÉDÉE D’EURIPIDE
Adaptation MIKAËL SERRE
Production JANT-BI, Sénégal
Coproduction Les Théâtres de la Ville du Luxembourg, le Théâtre de la Ville, l’Institut Français
Résidence et Coproduction La Ferme du Buisson, scène nationale de Marne-la-Vallée
Résidence Le Centquatre, Paris
crédit photos Thomas Dorn
Je me souviens de ces mots de Germaine Acogny, lors de notre première rencontre : « Ma vie a souvent été un mouvement, je suis de quelque part et quand je m’en éloigne, je n’échappe pas à mon histoire, c’est que je suis revenu, en moi peut-être, à un endroit du début, à l’endroit d’où je viens, aux ancêtres, à ceux qui m’accompagnent.» Ces mots sont un mouvement en soi, qui explorent des forces contraires. C’est une force qui tire vers le haut, un geste qui subit autant la contrainte que la force du destin.
Germaine Acogny m’a raconté son histoire, celle d’une famille et de ses conflits, celle de son pays d’accueil le Sénégal, de ces moments d’exil en Europe et de retour sur ses terres. Son désir, qu’elle m’avait communiqué avant notre rencontre, de se confronter au théâtre pour sa prochaine création m’est alors apparu profondément juste. J’ai écouté, comme je lis un texte dramatique, ses moments d’extase, de doutes, de traversée du désert. Lors de notre rencontre j’ai entendu Shango dieu de la foudre du tonnerre et de la guerre. J’ai alors pensé au personnage de Médée. Je me suis interrogé sur ce désir de mêler les grandes figures et problématiques de la tragédie grecque à l’histoire de l’Afrique, et j’ai pris cette proposition comme un besoin de confrontation entre soi et le monde.
Tu sais où tu es né, mais non où tu mourras ! Tiviglititi, le sage, Les récits d’Aloopho.
Lors de nos échanges, Germaine m’a beaucoup parlé de sa grande mère Aloopho, prêtresse du Dahomey, la mère du sacré, du puissant ! À la lecture des récits d’Aloopho, j’ai fait le rapprochement entre ces paroles tragiques, archaïques et prophétiques, et la souffrance qui imprègne les grandes figures de femmes de la tragédie grecque. Médée, son histoire, celle de chaque spectateur qui se construit encore, qui se cherche, c’est la tragédie de la vérité. C’est une reconnaissance de soi finalement, une solitude face au monde.
Germaine incarne ce que nous sommes tous devenus, des humains en transit, des exilés, des convertis et reconvertis, des gens qui se perdent et se retrouvent, où finalement l’identité n’est pas une finalité, mais bien un chemin. Combien d’Européens ne s’adaptent pas, ou ne veulent pas, ne peuvent plus s’adapter à ce continent ? Donner à voir comment nous sommes devenus ce que nous sommes, et qui nous voulons être à l’avenir. Faire dialoguer l’occident et l’Afrique, c’est trouver ce noeud de corps et de sable face à la fable du monde moderne. Les répétitions ont commencé à Toubab Dialaw au Sénégal. Pour moi ça a été une première rencontre aussi avec un pays, un continent, et à travers Germaine Acogny une histoire que je ne connaissais pas et que j’ai choisi de raconter par l’intime, le seul endroit peut-être à pouvoir contrer les idéologies porteuses d’amalgames simplificateurs. Je ne pouvais pas parler de l’Afrique du point de vue de l’expert, ou du militant, mais seulement en partant de l’impulsion des imaginaires et des caprices de la réminiscence qui se confrontent sur la place du théâtre et de la danse. Cette violence et à la fois cette douceur que j’ai ressentie lors des répétitions et mon questionnement sur ma légitimité de prendre en charge l’histoire personnelle de Germaine qui comprend un manque, une trahison, en échos à la grande histoire, a été un voyage dans le jeu du souvenir et de l’oubli. La mémoire familiale se rappelant à nous en image, en odeur, en sensation, en son. Nous parlons évidement de blessures sur scène, mais aussi comment nous, artistes, pouvons apporter un regard et un apaisement. Proposer une matérialité à cette histoire c’est aussi défier l’oubli sans amertume, accepter même de pouvoir faire le deuil de nos mythes structurants, recyclés ou encore vivants.
Mikaël Serre, mai 2015